La rose têtue
Il était une fois,
Un petit bourgeon qui venait à peine de pousser sur le buisson de roses et gazouillait heureux dans la lumière du soleil. Il était si curieux de tout ce qui l’entourait, il sortait sa petite tête à travers les feuilles et il saluait tout le monde :
– Bonjour les coccinelles! Bonjour les nuages! Bonjour le ciel !
Il respirait l’air et se remplissait de joie. Il sautillait sur le buisson et plongeait dans le ciel en le chatouillant.
Il avait tant de choses à faire et à découvrir, il était si heureux d’être un bourgeon qu’il commença à se balancer sur les branches du buisson et à s’éclater de rire vers les nuages.
– Arrête tout de suite ! lui cria la Grande Rose Rouge fleurie. Arrête de bouger comme ça !
– C’est pas le moment de jouer ! continua la Rose Rose. Tu devrais t’occuper de fleurir. Tu es déjà apparu depuis longtemps dans le buisson. Tu ne fais rien que perdre le temps en regardant le ciel alors que tu devrais déjà être une rose éclose ! Le petit bourgeon s’arrêta surpris, il ne s’attendait pas à ça. Il soupira tristement, baissa la tête et se cacha derrière les feuilles du buisson. Des perles de rosée coulaient le long de ses sépales verts.
Toutes les roses autour de lui semblaient être si sérieuses, toutes parlaient de comment éclore, qui a fleuri en premier, qui est la plus belle et la plus grande, qui a fleuri plus vite, qui a plus de pétales. Toutes les roses se dépêchaient de se débarrasser du vêtement vert de sépales, à faire sortir leurs pétales colorés et à grandir dans le buisson !
Toutes les roses attendaient avec impatience le jardinier qui venait chercher la rose la plus belle.
– Quand est-ce que tu comptes fleurir? le poussait la Rose Rouge.
– Pourquoi fleuris-tu si lentement ? le piquait la Rose Rose. Les autres bourgeons ont fleuri avant toi et sont plus grands que toi ! Quelle honte !
Parfois la Rose Rouge et la Rose Rose lui parlaient gentiment :
– Tu es déjà un grand bourgeon, tu dois apprendre à fleurir comme nous tous !
– Tiens, je vais te montrer comment faire, continua la Rose Rose. Pour devenir une grande rose comme moi, tu dois faire comme ça : tu te balances vers la gauche ensuite vers la droite, tu tournes trois fois, après tu sautes en haut et crac ton vêtement vert se déchire.
– Oh! mais moi je ne veux pas comme ça, je ne veux pas déchirer mes feuilles ! cria le petit bourgeon. Il se repliait sur lui-même et les sépales verts se serraient plus fort autour de lui.
D’autres fois, les deux grandes roses le secouaient et lui criaient avec impatience :
– Allez ! Tu es le dernier à ne pas éclore ! Tu as reçu tout ce dont tu as eu besoin : de la terre, de l’eau et de la lumière et tout ce qu’on te demande c’est de fleurir !
– Mais on ne m’a pas laissé le sentir, répondit tout bas le bourgeon.
– Oh quelle vilaine rose têtue! le secoua avec force la Rose Rose. Nous prenons soin de toi et voilà ce que tu réponds ! Le jardinier devrait être là et tout ce qu’on nous demande c’est de fleurir alors fleuris une bonne fois pour toutes !
Mais… plus on le secouait, plus le bourgeon se refermait sur lui-même, plus on le grondait plus il refusait de s’ouvrir. Plus on le piquait, plus ses épines devenaient plus grandes et plus nombreuses. Il aurait voulu piquer tout le monde et déchirer le buisson! Mais… il restait abattu, tremblant à l’intérieur et piquant à l’extérieur. Il ne voulait pour rien au monde se dévêtir de ses sépales verts. Il devenait de plus en plus engourdi et ça lui faisait si mal de bouger.
La nuit, lorsque personne ne l’entendait, il pleurait étouffé dans le buisson et les mots durs lui résonnaient encore dans la tête : ”Vilaine rose têtue ! Tu n’es qu’un bon à rien !”
Mais la Lune l’entendit et le caressa de sa lumière douce.
– Pourquoi pleures-tu petit bourgeon ?
– Je ne veux pas éclore comme les autres roses ! Je ne peux pas ! Je ne peux pas ouvrir mes pétales! Je ne sais pas comment fleurir ni pourquoi le faire.
– Tu pleures parce que tu ne veux pas fleurir comme les autres ?
Le petit bourgeon hocha la tête.
– Alors… Fleuris comme toi-même et non pas comme les autres !
– Mais je suis comment moi?
– Tu voudrais être comment ?
– Je ne sais pas … Je ne connais même pas la couleur de mes pétales…
– Tu peux la connaître si tu fleuris !
– Mais comment ?
– Dans tes graines tu trouveras tout ce dont tu as besoin de connaître !
– Et c’est où mes graines ?
– Elles sont depuis toujours à l’intérieur de toi, dans ton cœur ! Elles sont cachées en toi comme un trésor ! Lorsque tu t’écoutes toi-même, lorsque tu te prends dans tes bras, les graines commencent à te parler ! Les autres roses ont oublié à sentir et à aimer leurs graines. Les autres roses ont fleuri pour le jardinier. Mais toi, tu vas fleurir par amour pour toi-même !
Et la Lune continua :
– Personne ne sait mieux que toi comment éclore et devenir une rose heureuse. Écoute ton cœur petit bourgeon et tu sauras comment fleurir !
Le petit bourgeon aurait voulu poser encore plein de questions mais il s’endormit en soupirant au clair de la lune. Quand il se réveilla le matin, le petit bourgeon se sentait différemment. Autour de lui, il y avait le même bourdonnement des roses qui se dépêchaient comme d’habitude mais aujourd’hui ça ne le dérangeait plus. Il avait autre chose plus importante à faire !
Il se tourna vers l’intérieur de soi-même et il se serra dans ses bras et pour la première fois il entendit à l’intérieur de lui ses graines sautiller de joie.
– Oh bonjour mes jolies graines !
– Hi hi! On croyait que tu n’allais plus nous voir, répondirent en choeur les petites graines.
– Je suis très curieux de découvrir la couleur de mes pétales. Est-ce qu’elles sont rouges ? Ou bien roses ? Ou peut-être blanches ? Qu’en pensez-vous ? J’aimerais être …. et à cet instant même, un flocon de pissenlit se mit sur le haut de sa tête et le bourgeon éternoua ”Atchoum” !
Et comme par miracle, le vêtement vert de sépales se desserra doucement autour de lui. Le Soleil brillait fortement dans le ciel et le petit bourgeon commença à danser dans les rayons du Soleil.
– J’aimerais être comme un soleil, chuchota le bourgeon souriant vers le soleil.
– Qu’il en soit ainsi! répondirent joyeuses les petites graines.
Les rayons du soleil caressaient et chauffaient le bourgeon. Le vêtement vert de sépales s’ouvrit doucement et des pétales jaunes dorées jaillirent de son cœur de lumière !
Quand il vit ses pétales merveilleux, son cœur commença à s’ouvrir de joie ! Le bourgeon déploya enfin ses pétales un à un et la rose fleurit dans les bras du soleil.
Lorsque le jardinier arriva dans le jardin, il en resta ébloui !
Il n’avait jamais vu une telle rose auparavant. Il cueillit toutes les autres roses et les rangea dans des boîtes pour les vendre aux fleuristes. Puis il revint dans son jardin et il resta en silence à regarder et à aimer la Rose Dorée.
La Rose têtue brillait maintenant comme un Soleil dans son jardin !
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