La petite fille, petit pois

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Il était une fois,
Une petite fille, petit pois, qui allait toute seule à l’école des petits pois.
Elle marchait si lentement le long du chemin, ses pieds s’entremêlaient et s’engourdissaient, ses mains tremblaient et elle ne savait pas quoi en faire. Car plus elle approchait de l’école, plus l’image de celle-ci se reflétait dans ses yeux. Elle devenait géante et l’avalait dans ses couloirs froids et gris.
Elle s’asseyait à sa place dans la classe où elle restait figée jusqu’au moment de rentrer à la maison. Et on ne sait pas pourquoi mais la petite fille, petit pois, était la seule à ne rien comprendre à l’école, soit parce qu’elle était trop petite soit parce que l’école était trop grande.
Le tableau était si noir et si loin, les lettres pleines de poussière de craïe blanche et si petites que la petite fille, petit pois, pouvait à peine les lire. Et lorsqu’elle essayait de les écrire, ses mains glissaient sur le cahier, les lettres couraient au-dessus du stylo, trébuchaient et tombaient toutes sur la feuille de papier.
– Pois pourri que tu es ! Tu n’es même pas capable d’écrire une lettre !
Et elle entendait le froissement de la feuille comme dans un rêve. Elle voyait comme à travers un brouillard la feuille, arrachée et froissée, remplie de rouge, venir comme une boule géante vers elle ! La petite fille, petit pois se mêlait à la boule de feuille et on ne savait plus qui était le petit pois et qui était la feuille.
Lorsqu’elle essayait de lire dans un livre, elle avait l’impression de ne pas bien voir, elle collait ses yeux au livre mais les lettres s’allongeaient et se déformaient, certaines se poussaient l’une l’autre, d’autres se cachaient et la petite fille, petit pois réussissait à peine à attrapper quelques mots et à les répéter.
– Assieds-toi pois pourri ! Tu portes des lunettes et malgré cela, tu ne vois rien !
Et le livre se ferma avec un bruit sec et vola vers elle en faisant gonfler ses cheveux. La petite fille, petit pois ferma les yeux à travers les lunettes décrochées et se renversa sur la chaise.
Quand elle devait résoudre des exercises de maths, les chiffres sautaient devant elle sur le tableau et ne s’arrêtaient pas pour qu’elle puisse les calculer. Elle restait de longues minutes, les yeux fixés à chercher les chiffres sur le tableau et elle ne comprenait pas où et comment s’enfuyaient tous les chiffres. Jusqu’au moment où une latte pointue se leva vers le plafond, frappa le tableau et colla le petit pois aux chiffres afin qu’elle les observe mieux.
– Pois stupide que tu es ! Va à ta place ! Et le petit pois piqua un fard et blessé, retourna à sa place.
Elle parlait de plus en plus rarement car elle avait l’impression que tous ses mots étaient pourris. Elle lisait de plus en plus rarement car elle croyait que sa vue baissait de plus en plus. Et elle écrivait de plus en plus rarement de peur de gaspiller les feuilles.
Mais un jour, on ne sait pas comment, la petite fille, petit pois, rentra à la maison avec une feuille d’évaluation de 10 sur 10 ! C’était la première fois qu’elle recevait une telle note car elle était un pois qui ne recevait jamais de bonnes notes. C’était la première fois qu’elle voyait un 10 à côté de son nom et elle avait du mal à croire que c’était vraiment sa note. Son cœur battant de joie, elle ne voulut pas mettre la feuille dans son cartable mais elle la tint dans ses mains, le long du chemin et la regarda sans cesse en souriant. La pluie commença à tomber mais la petite fille, petit pois ne ressentait pas la pluie, elle gardait la feuille étroitement serrée dans ses mains, les yeux collés à la note de 10. Des gouttes de pluie tombèrent sur le papier et l’encre se répandait le long de la feuille mais elle ne lâcha toujours pas sa feuille. Au moment où elle rencontra un pois plus grand, elle leva la feuille et sourit fièrement !
– Comment ça ? Toi ??? Un 10 ??? Mais un pois pourri comme toi ne peut pas recevoir la note de 10 ! Ce doit être une erreur !
La petite fille, petit pois ferma les yeux. Comment avait-elle pu oublier qu’elle n’était qu’un pois pourri ? Elle froissa et jeta la boule de papier où on pouvait encore apercevoir la note de 10 effacée en partie par la pluie. C’était sûrement une erreur !
Et depuis, la petite fille, petit pois se cacha dans une coquille de noix pour s’isoler et ne reçut plus jamais un 10. Elle continua d’aller à l’école comme une noix pourrie et si jamais il lui arrivait de réaliser quelque chose de beau, elle se répétait à elle-même que c’était sûrement une erreur car comment une noix pourrie pourrait-elle réaliser quelque chose de beau ?
Jusqu’au jour où elle trébucha, roula sur un sentier et se cogna contre le tronc d’un arbre.
– Qui es-tu ? demanda l’Arbre étonné.
– Un pois pourri dans une noix pourrie, répondit-elle.
– Haha, quel nom bizarre… Qui t’a donné ce nom ?
– Tout le monde, c’est comme ça qu’on m’appelle…
– Et toi, tu l’as cru ? On t’a dit que ton nom est « pois pourri » et toi tu l’as cru… Mais allons voir ! Ohhh mais regarde-toi : tu n’es pas du tout un pois pourri, tu es une graine qui va germer !
Et l’arbre pencha ses branches vers la petite fille, petit pois, la recouvrit d’une couverture de feuilles chaudes et la berça doucement pendant qu’il lui chuchotait avec tendresse une chanson d’amour. Et la petite fille qui se croyait un pois pourri, s’endormit dans les bras de l’arbre.
Le lendemain matin, lorsque les premiers rayons du soleil caressèrent la terre, la petite fille ouvrit les yeux et sentit ses pieds grandir et pousser vers le haut comme des racines. Et chose étrange, elle sentit quelque chose la chatouiller et la pousser avec force ves le haut !
L’arbre secoua les gouttes de rosée étalées sur ses feuilles, lui sourit et lui dit joyeusement :
– Bonjour ! Tu as germé et tu t’es révéillée dans la lumière !
La petite fille était maintenant une graine germée. Elle riait, ses cheveux remplis de rosée et ondulait comme un fil de lumière !
– Et maintenant ? Que dois-je faire ? demanda-t-elle curieuse.
– Tu vas jouer et éclater de joie ! lui répondit l’Arbre.
Et la petite fille, fil de lumière, commença à danser et à tourner parmi les arbres et les fleurs, à les prendre dans ses bras et à les aimer.
Et les fleurs lui demandèrent avec complicité :
– L’as-tu appris ? L’as-tu appris ?
Et les brins d’herbe flottants lui demandèrent aussi :
– L’as-tu appris ? L’as-tu appris ?
La petite fille, fil de lumière, tourna à travers tous et parmi tous et grandissait comme un tourbillon de lumière.
– J’ai appris ! répondit-elle en riant. J’ai appris que je ne fus jamais un pois pourri mais une graine qui n’avait pas encore germé.
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